Un logiciel d’imbrication intelligent au service du détourage aluminium chez Socata

Dans le cadre de la modernisation de l’îlot détourage de son usine de Tarbes (Hautes Pyrénées), le constructeur aéronautique Socata a mis en production début 2008 une machine entièrement automatisée basée sur la technologie de détourage “mange-ponts”. Complètement intégré au système d’information de Socata, le logiciel d’Alma alimente quotidiennement la machine en imbrications, optimisant en automatique le rendement matière tout en limitant le temps d’usinage.

Socata est un des constructeurs leaders de l’aviation générale, avec plus de 17 000 avions construits depuis sa création en tant que Morane-Saulnier en 1911. Ses productions actuelles sont les turbopropulseurs à grande vitesse TBM 850 et des ensembles d’aérostructures, avec une spécialité dans le domaine des carénages d’avions de transport civils et militaires, des jets d’affaires et des cellules d’hélicoptères. Implantée à Tarbes (Hautes-Pyrénées, France), avec une base nord-américaine en Floride, Socata emploie 1 800 personnes et réalise un CA de 280 millions d’euros. Jusqu’alors intégré au groupe EADS, Socata est passé en 2009 sous le contrôle de l’équipementier Daher. Ce rapprochement permet à l’ensemble Daher-Socata de devenir un équipementier de rang 1 capable de répondre aux programmes aéronautiques du futur.

Moderniser et automatiser l’îlot détourage

Une réflexion s’engage en 2005 chez Socata en vue du remplacement des moyens de détourage (deux machines CMS et un système de programmation Sapex de première génération avec imbrication manuelle utilisé sur 2 postes en 2 X 8), technologiquement dépassés. Le nouveau système doit permettre le détourage de tous les types d’aluminium dans tous les états matière et doit servir tous les programmes clients, ce qui représente environ 1,2 millions de pièces détourées chaque année, ou plus de 80 tonnes d’aluminium.

« L’îlot détourage est la pierre angulaire du flux tôlerie dans l’usine. Il constitue l’interface entre l’arrivée matière en juste à temps et la fourniture de flans pour le formage », explique Jean-Christophe Michel, responsable du projet au sein du Service Préparation de l’Unité de Pièces Elémentaires. « Ce moyen unique est stratégique pour notre développement », poursuit-il. « Il s’agissait donc de se doter d’un système flexible et modulaire conférant à Socata une capacité de production de pièces élémentaires aux moindres coûts ».

Un premier benchmark aboutit au lancement d’un appel d’offre pour deux nouvelles machines de détourage. Mais le projet, qui fait apparaître un trop faible gain de productivité par rapport au système actuel, doit être reconsidéré. L’approfondissement de l’étude montre que les gains de productivité passent par l’automatisation des tâches périphériques et du système d’imbrication en amont.

De plus, la machine de détourage UGV envisagée doit être capable de produire tant en mode tôle à tôle qu’en panoplies (empilement de tôles). En effet, compte tenu des différents programmes clients, la taille des pièces détourées chez Socata est extrêmement variable, de quelques centimètres à l’encombrement d’un format entier de tôle. L’installation de détourage doit donc être polyvalente, en permettant de travailler tant sur des petits formats que des formats entiers, et être capable de traiter de une à dix tôles empilées jusqu’à une épaisseur de 10 mm.

Vue d’une partie de l’îlot détourage : les flans découpés sont en attente de transfert en aval dans le ligne de fabrication.
Grâce à la technologie "mange-ponts", les pièces sont déjà libérées du squelette au moment du déchargement de la tôle, ce qui permet d’éviter plusieurs opérations de reprise.

Une machine spéciale basée sur la technologie de détourage “mange-ponts”

Parmi les trois solutions en course pour le choix final, Socata a retenu l’offre machine de Cinetic Machining et l’offre logicielle d’Alma. La machine proposée par Cinetic Machining, concepteur et reconstructeur de machines-outils spécialiste de l’Usinage à Grande Vitesse, s’avère la plus adaptée aux besoins de Socata, du fait de l’intégration de l’ensemble des moyens logistiques et de manutention et de la gestion de tous les éléments périphériques (évacuation des copeaux, gestion des outils, interface utilisateur et informatique pour le suivi des performances machine).

En termes de technologie de détourage, Socata opte pour la solution de “mange-ponts intelligent”, dans laquelle le placement des ponts (zone de matière grâce à laquelle la pièce reste maintenue au squelette) est auto-adaptatif : le nombre et la position des ponts varie selon la géométrie des pièces afin d’obtenir un rendement maximal. La stratégie d’usinage associée à cette technologie particulière permet d’optimiser les parcours et la finalisation des pièces en temps réel.

La machine est capable d’usiner une gamme d’épaisseurs allant de 0,3 mm à 5 mm, sur des formats de 125 x 125 mm au minimum et de 2500 x 1250 mm au maximum. Le système de maintien des paquets de tôles selon une ligne de brides placées sur un seul côté permet de libérer de l’espace pour le placement des pièces. La machine offre une autonomie de 30 treillis palettisables, chargés et déchargés en temps masqué. Le moyen d’usinage intègre un système de tables pendulaires qui minimise le temps d’arrêt de la broche.

Les performances en imbrication automatique, attestées lors des essais préalables réalisés avec les pièces Socata, s’avèrent largement supérieures aux offres concurrentes.

Un logiciel de programmation ouvert, adaptable et automatisé

Plusieurs objectifs ont été fixés au logiciel pour optimiser les flux de données et les coûts et s’intégrer à l’environnement de production de Socata :

  • s’interfacer avec la GPAO (SAP), notamment pour importer les informations nécessaires à la constitution des ordres de fabrication et à la réalisation des imbrications,
  • réaliser des imbrications optimales en trouvant un compromis entre l’empilement des tôles et le travail en tôle unique et en coupant les chutes de tôles selon un pas de 125 x 125 mm,
  • limiter les actions humaines aux phases décisionnelles,
  • remonter diverses données vers le système de supervision et différentes bases d’information (outils, indicateurs, qualité…).

La solution Alma, basée sur le logiciel act/cut en version détourage, est jugée la meilleure pour atteindre ces objectifs. L’ouverture du logiciel et la capacité d’Alma à adapter celui-ci aux besoins spécifiques du client sont incontestables. Les performances en imbrication automatique, attestées lors des essais préalables réalisés avec les pièces Socata, s’avèrent largement supérieures aux offres concurrentes. La connaissance par Alma de l’historique de la production et de l’antériorité des pièces de Socata garantit une continuité dans le suivi de projet.

L’installation de la machine et du logiciel débute en juin 2007 et le nouveau moyen de détourage est mis en production en mars 2008.

Les pièces éventuellement rebutées sont réinjectées dans la gestion de production SAP via l’interface de la machine et le système de suivi de fabrication.
Chaque jour, les "imbricateurs" passent en revue et valident toutes les imbrications réalisées automatiquement par act/cut.

Optimiser le rendement matière et le temps d’usinage grâce à l’imbrication automatique

La première étape de la programmation avec act/cut consiste à récupérer et à préparer les géométries 2D de pièces issues de divers systèmes de CAO (Cadds 5, Catia V4, Catia V5). Trois licences du module Drafter sont dédiées à ces opérations qui consistent à importer les fichiers DXF ou IGES, à “nettoyer” les géométries correspondantes et à leur affecter automatiquement les outils (fraises et forêts). Plus de 23 000 pièces élémentaires sont ainsi gérées en bibliothèque, dont 19 000 ont été récupérées du précédent logiciel de FAO grâce à une macro de traitement en temps masqué développée spécifiquement par Alma.

Après le traitement des fichiers géométriques, l’imbrication constitue l’étape clé dans la programmation. A partir des besoins journaliers transmis quotidiennement par SAP à act/cut, le logiciel imbrique automatiquement les pièces à produire, préalablement triées par combinaison de matière et d’épaisseur. Le logiciel respecte le sens de fibrage si cette information est transmise par la CAO, sinon il peut orienter les pièces par incrément de 1° entre 0 et 180°. L’objectif est d’optimiser à la fois le rendement matière global du lancement (fichier maître) et le temps de détourage, ce dernier étant directement fonction du nombre de tôles empilées pour chaque placement, dans la limite de l’épaisseur maxi d’empilement de 10 mm. En tenant compte de ces contraintes, act/cut calcule trois propositions d’imbrication et restitue pour chacune les informations permettant à l’utilisateur de choisir la plus intéressante. « Le choix de l’utilisateur est toujours un arbitrage entre la réduction du taux de chute et la minimisation du temps d’usinage », explique Christian Ricaud, un des utilisateurs du logiciel. « En période de très forte production par exemple, nous aurons tendance à privilégier le temps d’usinage, c’est à dire opter pour l’empilement maximal des tôles ».

L’imbrication automatique a permis de diviser les temps de préparation par deux et le rendement matière s’est amélioré de 23%.

Après avoir visualisé l’ensemble des placements automatiques réalisés par le logiciel, l’utilisateur peut intervenir s’il l’estime nécessaire, par exemple pour modifier l’orientation de grandes pièces et relancer l’imbrication automatique pour finir d’optimiser le placement. Il est également possible d’intervenir en amont sur les imports SAP pour gérer les urgences, modifier les lancements des panoplies ou encore fractionner les panoplies.

Une autre contrainte imposée au logiciel est d’optimiser le placement en tenant compte de pas de 125 mm en X en en Y. En effet, si 95% des formats de tôles utilisés sont standards (2 500 x 1250 mm), il est possible de commander des formats plus petits (de longueur ou largeur multiple de 125 mm) pour réduire le coût matière. Socata ne gérant aucun stock matière, les résultats de l’imbrication servent à déterminer les quantités et les formats de tôles à commander au fournisseur. Les tôles sont ainsi livrées à la demande afin que les pièces soient découpées à J + 3 jours après la validation de l’imbrication.

Outre cette remontée d’information vers SAP relative aux formats de tôle ainsi qu’aux OF imbriqués, la validation des imbrications déclenche l’envoi de différentes données act/cut au système informatique de la machine, pour l’exécution du post-processeur (génération du programme ISO) et l’alimentation des base “indicateurs” (chutes matières, outils utilisés, valorisation des consommables) et “outils” (liste des outils à monter et longueur d’usinage à effectuer).

Des gains de productivité sans appel et des utilisateurs plus autonomes

Huit mois après la mise en production de l’installation, les bénéfices engendrés par le nouveau moyen de détourage et le logiciel act/cut sont déjà très nets.

Si l’on compare la machine Cinetic Machining aux deux machines précédentes, la cadence a été augmentée de 25% avec le même temps de travail (3 x 8). Des gains de productivité supplémentaires sont encore espérés avec l’augmentation de la vitesse de fraisage, qui fait actuellement l’objet de tests poussés en corrélation avec la qualité de détourage et l’usure des outils.

L’imbrication automatique a permis de diviser les temps de préparation par deux et le rendement matière s’est amélioré de 23% (le taux de chute moyen est passé de 65% à 50%). Compte tenu du coût actuel de l’aluminium, cela représente une économie d’environ 220 K$ (165 K€) en base annuelle. L’imbrication optimisée contribue également à une diminution du nombre de tôles consommées d’environ 30%, soit des gains additionnels en manutention.

Conformément aux objectifs initiaux de Socata, le logiciel act/cut se révèle beaucoup plus pratique à utiliser que l’ancien système. Libérés des tâches consommatrices de temps grâce aux fonctions automatisées du logiciel, les utilisateurs ont vu leur rôle décisionnel se renforcer. Comme le résume Jean-Christophe Michel, « l’homme doit être considéré comme un décideur et pas comme un presse-bouton ; avec le nouveau système, il est remis à sa juste place ». La convivialité du système permet également de redéfinir certaines tâches au sein du bureau de préparation et de programmation : le périmètre de responsabilité des préparateurs, chargés actuellement de préparer les gammes, va désormais être élargi à la gestion des silhouettes et à la supervision des imbrications.

L’expérience d’Alma dans la mise en place d’installations spécifiques, automatisées et intégrées à un système d’information complexe a permis de mener le projet Socata à son terme dans les délais impartis. Pour cela, l’excellente coordination avec Cinetic Machining a été déterminante. L’accompagnement d’Alma, qui s’est matérialisé à toutes les phases du projet, depuis la récupération de la base de données pièces jusqu’à la mise en place des différentes stratégies d’imbrication, a été très apprécié des responsables et des utilisateurs chez Socata. Lorsque les techniques algorithmiques d’optimisation font bon ménage avec l’esprit de partenariat !

 

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